vendredi 31 juillet 2009

Hostilité selon la police. Hospitalité et dépaysement selon le manifestant.

Me voilà installé dans un hôtel bon marché de Van. Je passe les premières heures à prendre, recevoir et donner des nouvelles avant de partir faire un tour dans la ville. Vendredi soir oblige, je suis particulièrement attentif aux endroits où je vais pouvoir prendre un verre. Malheureusement je ne trouve rien de très attractif.

Le deuxième jour, j’opte pour un rythme calqué sur le mode de vie local. Ce n’est pas en traversant la ville de part en part que je vais pouvoir me reposer. Je descends donc à la maison de thé qui se trouve au pied de l’hôtel. Une vingtaine de tables basses, quatre fois plus de tabourets, l'ambiance est relaxe. Je commande mon premier thé quand mon voisin (Denız professeur d’anglais dans une école supérieure de la ville) entame déjà la conversation. Nous parlons de mon voyage mais surtout du Kurdistan: En deux mots (et en me référant aux différents échos que j’ai eu ces derniers jours), les 25millions de Kurdes de Turquie (il y en a 40 millions à travers le monde) sont reconnus par le gouvernement d’Ankara comme des Turcs. Néanmoins ils n’ont pas 'accès' aux mêmes droits que les Turcs. En découle plusieurs violations des droits de l’homme et une présence militaire pour le moins étouffante. Au fil des kilomètres, je passe d’innombrables contrôles et me trouve souvent à portée des canons des postes de gardes qui jalonnent la région. A chaque fois, l’armée me recommande d’être prudent, de ne parler à personne et de ne rien faire d’autre que de tracer ma route. Malgré leur bel uniforme et l’arme au poing, je les trouve très craintifs. Je n’ai pas arrêté de désobéir à ces 'conseils' pour le moins inappropriés et pourtant je n’ai jamais rencontré aucun souci, que du contraire. Les seules situations délicates, comme l’a expliqué Adri, sont liées aux voitures qui s’obstinent à tenir sévèrement leur droite, n’hésitant pas à nous frôler de fort fort près.

L’après midi est rythmé par les thés et les parties de backgammon avant de se clôturer au Kebab-istan du coin par une pide aux fromages (pizza turc).

Je quitte Van le lendemain et ne retrouve le paysage bucolique de la région qu’après 10km de banlieue et une vıngtaine d’autres parmi les infrastructures touristiques. Commence alors l’ascension vers un pass planté à plus de 2.000m. Les coups de pédales donnés pendant près de deux heures en valent le coup. Le paysage qui se cache de l’autre côté est superbe. Je passe la nuit dans une bergerie inoccupée avant de repartir pour 80km de pur bonheur, principalement dans la vallée qui mène à Hizan que je suis pendant 30km. Tous les ingrédients sont réunis: petite route sans trafic, versant où s’alternent les bosquets et les champs, rivière turquoise, villages typiques, pause çay, etc. J’arrive alors à Bitlis, de retour sur l’axe principal sur lequel je dévale toute la vallée. Comme me disait il y a 20 jours un éminent ex-futur chercheur à l’université de Liège lors de ses moments de philosophie vélocipédiques : 'on finit toujours bien par redescendre ce qu’on a monté'.

Les kilomètres défilent pendant que le thermomètre s’emballe. Rapidement il oscille aux environs de 45 degrés. Dans de telles conditions, la gomme des pneus colle à la route, l’eau n’est bonne qu’à faıre des pâtes et je sue à grosses goûtes. Des signes qui me rappellent méchamment mon insolation d’il y a 3mois en Inde. Je la joue calmement et pique une tête dans la rivière qui coule en contre bas. Après ce rafraîchissement plus que nécessaire, je grimpe en direction de Kozluk. Du centre du village je peux prendre une petite route qui coupe à travers les montagnes et évite ainsi le trafic pendant plusieurs dizaines de kilomètres .Les villageois me déballent alors un refrain déjà connu : la route est en mauvais état, dangereuse, bloquée par l’armée, squattée par des animaux féroces et passe par des villages où on n’hésite pas à jouer de la Kalachnikov. Ils me conseillent donc de redescendre dans la vallée. Désormais habitué à toutes leurs craintes,( à les écouter je serais déjà en Grèce), je continue mon ascension.

Sous 42 degrés, j'atteins le sommet complètement épuisé et profite du premier village pour remplir mes gourdes. Bien que présentés comme antipathiques il y a 10km, les villageois m’accueillent les bras ouverts, comme ça a toujours été le cas dans la région. Cinq minutes après mon arrivée, je suis installé sur une terrasse surplombant la vallée avec un verre de çay qui ne cesse d’être rempli. J’y passe la soirée et la nuit après avoir dévoré le délicieux souper qu’ils m’ont préparé.

Le lendemain, bien que le chien de garde soit prêt à me réduire en miettes, je passe le poste militaire sans entrave. Il me faut encore une grosse dizaine de kilomètres sur de la piste et dans une vallée somptueuse avant de retrouver la route en tarmac et le village de Sason. Je reçois alors la visite des gendarmes, de l’armée et finalement des policiers. Ces derniers s’assurent d’ailleurs que je possède bien un pistolet ou du moins un couteau avant d’affronter 'the montagne of terror'. En cas de problème, ils me donnent le numéro d’urgence de la police. J’évite de dire que je n’ai pas de gsm et m’apprête à les quitter quand je m’aperçois que mon pneu arrière est plat. Infortune qui tombe plutôt bien puisque pendant que je cherche la fuite, les policiers s’arrangent pour nous faire inviter à dîner. Rız, légumes, naan, çay etc. Je me fais plaisir et repars les sacoches pleines de provisions.
Quelques heures plus tard, surprise, j’aboutis dans ce qui ressemble fortement à un cul de sac. Seul sortie de secours, un chemin plongeant dans la vallée qui ne semble être arpentée que par quelques troupeaux de vaches. Les deux mains sur les freins, j’arrive lentement au gué qui me sépare de la piste de sable grimpant sur l’autre versant. L’état de cette dernière et la chaleur me fatiguent sans que j’aie l’impression d’avancer. Au sommet d’une côte, une école en construction, où je demande mon chemin. Plutôt que de me répondre, les ouvriers me proposent de grimper dans un camion qui ne doit pas tarder à arriver. La proposition me semble alléchante même si le camion ne partira finalement que le lendemain. Je passe donc ma fin d’après midi à donner un coup de main sur le chantier.
Apres avoir connu la finesse des ouvriers de Liverpool voilà que je goûte au raffinement de leurs homologues kurdes. Des çay, des frites, des courgettes à l’huile, du pain sec et une pastèque clôtureront la journée autour d’une table en planches bricolée.

Sorti du camion 40km plus loin (Kulp), je passe ma seule journée hors des montagnes depuis mon départ de Tbilissi, il y a plus de 20 jours. Suivront 290km en 3jours, sur des axes importants. Néanmoins les paysages restent tout aussi déroutants, à chaque vallée un nouveau décor, et les turcs toujours aussi chaleureux. Je n’ai sorti qu’une seule fois la tente et presque autant de fois le réchaud. Ma dernière pause de la journée est généralement accompagnée d’une invitation à souper et/ou loger. Ce qui entraîne de longues heures de causeries dans les maisons de thé et des rencontres fort sympathiques.

Viens ensuite mon entrée palpitante (80,1km/h) dans les vallées de Cappadoce et avoisinantes.
Au premier village, où je m’arrête à 17h, je passe d’une maison de thé à une autre avant que les jeunes du coin ne me recrutent pour le traditionnel match de foot de fin de journée. Je n’hésite pas à mouiller le maillot, inscris deux goals et finis le match sur les genoux. Après 80km c’est pas le plus reposant.
La suite aussi sera musclée: 5 superbes vallées en une matinée, dont un nouveau col à près de 2.000m, pour arriver au pied du Mont Erciyes (3.000m et des rawettes). Le dernier rempart me séparant d’Urgup, d’où je vous écris, sera quant à lui franchi à 25km/h agrippé à l’arrière d’une remorque de tracteur.

Me voici donc en Cappadoce pour fêter l’annif du Guimzy et découvrir le cadeau laissé par ma soeur il y a une vingtaine de jours. Je pense y prendre un jour de repos et sillonner calmement la région avant de mettre le cap sur Istanbul.
Prochaines nouvelles donc d’ici une dizaine de jours.

A très bientôt
Gaël

1 commentaire:

Unknown a dit…

Super récit, où tout à l'air de bien se passer en Turquie avec leur hospitalité légendaire :)

Gaël CEH