vendredi 31 juillet 2009

Hostilité selon la police. Hospitalité et dépaysement selon le manifestant.

Me voilà installé dans un hôtel bon marché de Van. Je passe les premières heures à prendre, recevoir et donner des nouvelles avant de partir faire un tour dans la ville. Vendredi soir oblige, je suis particulièrement attentif aux endroits où je vais pouvoir prendre un verre. Malheureusement je ne trouve rien de très attractif.

Le deuxième jour, j’opte pour un rythme calqué sur le mode de vie local. Ce n’est pas en traversant la ville de part en part que je vais pouvoir me reposer. Je descends donc à la maison de thé qui se trouve au pied de l’hôtel. Une vingtaine de tables basses, quatre fois plus de tabourets, l'ambiance est relaxe. Je commande mon premier thé quand mon voisin (Denız professeur d’anglais dans une école supérieure de la ville) entame déjà la conversation. Nous parlons de mon voyage mais surtout du Kurdistan: En deux mots (et en me référant aux différents échos que j’ai eu ces derniers jours), les 25millions de Kurdes de Turquie (il y en a 40 millions à travers le monde) sont reconnus par le gouvernement d’Ankara comme des Turcs. Néanmoins ils n’ont pas 'accès' aux mêmes droits que les Turcs. En découle plusieurs violations des droits de l’homme et une présence militaire pour le moins étouffante. Au fil des kilomètres, je passe d’innombrables contrôles et me trouve souvent à portée des canons des postes de gardes qui jalonnent la région. A chaque fois, l’armée me recommande d’être prudent, de ne parler à personne et de ne rien faire d’autre que de tracer ma route. Malgré leur bel uniforme et l’arme au poing, je les trouve très craintifs. Je n’ai pas arrêté de désobéir à ces 'conseils' pour le moins inappropriés et pourtant je n’ai jamais rencontré aucun souci, que du contraire. Les seules situations délicates, comme l’a expliqué Adri, sont liées aux voitures qui s’obstinent à tenir sévèrement leur droite, n’hésitant pas à nous frôler de fort fort près.

L’après midi est rythmé par les thés et les parties de backgammon avant de se clôturer au Kebab-istan du coin par une pide aux fromages (pizza turc).

Je quitte Van le lendemain et ne retrouve le paysage bucolique de la région qu’après 10km de banlieue et une vıngtaine d’autres parmi les infrastructures touristiques. Commence alors l’ascension vers un pass planté à plus de 2.000m. Les coups de pédales donnés pendant près de deux heures en valent le coup. Le paysage qui se cache de l’autre côté est superbe. Je passe la nuit dans une bergerie inoccupée avant de repartir pour 80km de pur bonheur, principalement dans la vallée qui mène à Hizan que je suis pendant 30km. Tous les ingrédients sont réunis: petite route sans trafic, versant où s’alternent les bosquets et les champs, rivière turquoise, villages typiques, pause çay, etc. J’arrive alors à Bitlis, de retour sur l’axe principal sur lequel je dévale toute la vallée. Comme me disait il y a 20 jours un éminent ex-futur chercheur à l’université de Liège lors de ses moments de philosophie vélocipédiques : 'on finit toujours bien par redescendre ce qu’on a monté'.

Les kilomètres défilent pendant que le thermomètre s’emballe. Rapidement il oscille aux environs de 45 degrés. Dans de telles conditions, la gomme des pneus colle à la route, l’eau n’est bonne qu’à faıre des pâtes et je sue à grosses goûtes. Des signes qui me rappellent méchamment mon insolation d’il y a 3mois en Inde. Je la joue calmement et pique une tête dans la rivière qui coule en contre bas. Après ce rafraîchissement plus que nécessaire, je grimpe en direction de Kozluk. Du centre du village je peux prendre une petite route qui coupe à travers les montagnes et évite ainsi le trafic pendant plusieurs dizaines de kilomètres .Les villageois me déballent alors un refrain déjà connu : la route est en mauvais état, dangereuse, bloquée par l’armée, squattée par des animaux féroces et passe par des villages où on n’hésite pas à jouer de la Kalachnikov. Ils me conseillent donc de redescendre dans la vallée. Désormais habitué à toutes leurs craintes,( à les écouter je serais déjà en Grèce), je continue mon ascension.

Sous 42 degrés, j'atteins le sommet complètement épuisé et profite du premier village pour remplir mes gourdes. Bien que présentés comme antipathiques il y a 10km, les villageois m’accueillent les bras ouverts, comme ça a toujours été le cas dans la région. Cinq minutes après mon arrivée, je suis installé sur une terrasse surplombant la vallée avec un verre de çay qui ne cesse d’être rempli. J’y passe la soirée et la nuit après avoir dévoré le délicieux souper qu’ils m’ont préparé.

Le lendemain, bien que le chien de garde soit prêt à me réduire en miettes, je passe le poste militaire sans entrave. Il me faut encore une grosse dizaine de kilomètres sur de la piste et dans une vallée somptueuse avant de retrouver la route en tarmac et le village de Sason. Je reçois alors la visite des gendarmes, de l’armée et finalement des policiers. Ces derniers s’assurent d’ailleurs que je possède bien un pistolet ou du moins un couteau avant d’affronter 'the montagne of terror'. En cas de problème, ils me donnent le numéro d’urgence de la police. J’évite de dire que je n’ai pas de gsm et m’apprête à les quitter quand je m’aperçois que mon pneu arrière est plat. Infortune qui tombe plutôt bien puisque pendant que je cherche la fuite, les policiers s’arrangent pour nous faire inviter à dîner. Rız, légumes, naan, çay etc. Je me fais plaisir et repars les sacoches pleines de provisions.
Quelques heures plus tard, surprise, j’aboutis dans ce qui ressemble fortement à un cul de sac. Seul sortie de secours, un chemin plongeant dans la vallée qui ne semble être arpentée que par quelques troupeaux de vaches. Les deux mains sur les freins, j’arrive lentement au gué qui me sépare de la piste de sable grimpant sur l’autre versant. L’état de cette dernière et la chaleur me fatiguent sans que j’aie l’impression d’avancer. Au sommet d’une côte, une école en construction, où je demande mon chemin. Plutôt que de me répondre, les ouvriers me proposent de grimper dans un camion qui ne doit pas tarder à arriver. La proposition me semble alléchante même si le camion ne partira finalement que le lendemain. Je passe donc ma fin d’après midi à donner un coup de main sur le chantier.
Apres avoir connu la finesse des ouvriers de Liverpool voilà que je goûte au raffinement de leurs homologues kurdes. Des çay, des frites, des courgettes à l’huile, du pain sec et une pastèque clôtureront la journée autour d’une table en planches bricolée.

Sorti du camion 40km plus loin (Kulp), je passe ma seule journée hors des montagnes depuis mon départ de Tbilissi, il y a plus de 20 jours. Suivront 290km en 3jours, sur des axes importants. Néanmoins les paysages restent tout aussi déroutants, à chaque vallée un nouveau décor, et les turcs toujours aussi chaleureux. Je n’ai sorti qu’une seule fois la tente et presque autant de fois le réchaud. Ma dernière pause de la journée est généralement accompagnée d’une invitation à souper et/ou loger. Ce qui entraîne de longues heures de causeries dans les maisons de thé et des rencontres fort sympathiques.

Viens ensuite mon entrée palpitante (80,1km/h) dans les vallées de Cappadoce et avoisinantes.
Au premier village, où je m’arrête à 17h, je passe d’une maison de thé à une autre avant que les jeunes du coin ne me recrutent pour le traditionnel match de foot de fin de journée. Je n’hésite pas à mouiller le maillot, inscris deux goals et finis le match sur les genoux. Après 80km c’est pas le plus reposant.
La suite aussi sera musclée: 5 superbes vallées en une matinée, dont un nouveau col à près de 2.000m, pour arriver au pied du Mont Erciyes (3.000m et des rawettes). Le dernier rempart me séparant d’Urgup, d’où je vous écris, sera quant à lui franchi à 25km/h agrippé à l’arrière d’une remorque de tracteur.

Me voici donc en Cappadoce pour fêter l’annif du Guimzy et découvrir le cadeau laissé par ma soeur il y a une vingtaine de jours. Je pense y prendre un jour de repos et sillonner calmement la région avant de mettre le cap sur Istanbul.
Prochaines nouvelles donc d’ici une dizaine de jours.

A très bientôt
Gaël

En Vrac Gael: Van - Kapadokya


Le lac de Van après la banlieue et les installations touristiques
(notamment des enclos réalisés à l’aide de bâches en plastique pour protéger les nageuses de tous les regards)


Quelques kilomètres en bordure du lac pour commencer la journée.



Au rythme où les cols hors catégorie s’enchaînent par ici, je suis parti pour détrôner Pantani dans la légende du tour de France.



De l’autre côté du pass.


Retour au bord du lac avant de bifurquer vers Hizan.


Vallée vers Hizan




Vallée vers Bitlis


Douze poteaux de bois, de la paille, cinq tôles ondulées, deux divans et une théière. La bawette à miel idéale, mais aussi l’endroit parfait pour finir la journée, passer la nuit et prendre le petit déjeuner.


Descente vers Kozluk


Pause çay histoire d’oublier 10 minutes les 45 degrés.


Descente vers Kozluk


Si les chauffeurs de bus turcs sont souvent exécrables, les camionneurs sont les premiers à me saluer, à m’encourager, à m’offrir un çay, etc. Je n’hésite donc pas à aller plonger avec huit d’entre eux pour me rafraîchir.


Tous les jeunes du village, ou presque, avec qui j’ai passé une agréable soirée sur la terrasse.


La piste après le poste militaire.


« Bienvenue dans la zone à risque. Risquée en quoi ? Il faudra bien qu'on le définisse...»
Vallée contrôlée par l’armée avant Sason.


Repas VIP


'The Montagne of Terror'



Soirée en compagnie d’ouvriers kurdes. Ils vivent sur le chantier, commencent à travailler à 5h30 du mat pour finir après 21h et malgré tout, ils prennent soin des égarés sur deux roues !


Petit tour en camion... faut savoir varier les plaisirs.




Je pose le pied par terre pour demander mon chemin et voila qu’on m’invite pour un çay.
Par chance il y a une famille française, originaire de la ville, qui est de retour au pays pour les vacances. Le fils puis le père me serviront de traducteur pendant les cinq heures que je passe à la maison de thé. Les habitués quant à eux se chargeront de toutes mes consommations (plus d’une dizaine de çay et de trois toasts)


En route vers Elazig


Si les pauses dans les champs se font plus rares d’autres ont pris le relais.
Petit déjeuner à l’ombre du camion.
Les camions turcs ont une 'cuisine super équipée' installée à l’emplacement réservé, en Europe, au matos d’entretien.


Le paysage bordant l’autoroute.





Petit déjeuner en famille à l’ombre de la tonnelle au fond du potager. Ils m’avaient déjà préparé le souper alors que les voisıns m’avaient invité pour l’apéro.


Vers Gökun


'Otel Palaza' ou une remorque dans le coin d’une station service.


Vers la kapadokya



Galatasaray avait les faveurs de mes adversaires lors du match de foot.



En route pour Develi



Le lit en maïs du clandestin


La Cappadoce

Itineraire Turquie :Gael

mercredi 29 juillet 2009

De la Georgie a la Hongrie, il n'y a qu'un mois...

Ca faisait longtemps, donc...

...preparez-vous a consacrer plus que dix minutes pour le texte qui va suivre, car il sera long... Je recommence la ou mon aventure en solo a debute, c'est a dire il y a pres d'un mois... Le style de redaction est sans doute fort different de celui d'avant, c'est normal puisque maintenant je fais vraiment comme il me chante. Si vous trouvez le texte trop trop long, je l'ai divise en chapitres par pays. C'est parti !


Georgie

En quittant Francois et Gael le 2 juillet, je savais que j'allais devoir mener une course poursuite si je ne voulais pas me faire rattraper et vraiment pouvoir voyager seul. Mais ca c'est un peu mal passe, j'ai trop force pendant 4 jours, et resultat des courses j'ai attrapé une petite tendignite au talon droit et un probleme de cartilage au genou gauche.
Arrives a trois a Tbilissi, j'ai du laisser repartir les 2 fougueux pour aller a l'hopital ou on m'a conseille de me reposer 10 jours, avec massages et anti-douleurs. Dur-dur, mais c'etait ca ou risquer de rester bloque dans un endroit pas top. Du coup, j'ai decide d'aller prendre soin de mes petites articulations souffrantes dans les montagnes georgiennes. Deux Israeliens rencontres dans la guest house de Tbilissi m'ont renseigne une auberge avec pension complete a Kazbegi, a 5 km de l'Ossetie du Sud. Le chemin pour y arriver est magnifique : la Georgie est un pays tres vert et tres montagneux (vous avez pu le voir sur les photos...). Les forets s'accrochent aux versants et laissent la place dans le bas des pentes a des coulees d'herbe qui sétendent jusqu'au pied des montagnes. Tout le long de la route, les vallees s'enchainent et le trajet est rythme par les tables des petits commercants au-dessus desquelles sechent des rangees de saucisses artisanales.
Kazbegi est au creux d'une etroite vallee. La place du village est arrosee de milliers de flocons d'arbres, et on peut lire sur une indication routiere que Vladikavkaz, capitale de l'Ossetie du Sud, est a 40 km. Nazi, la patronne de la guest house, est une femme vraiment sympa. Elle est aux petits soins pour ¨son¨ malade, et je ne bouge pas d'un poil de la journee. Le premier soir, on fete avec les autres backpackers et des gens du villages l'anniversaire de Gabriel, un trekkeur suisse de 25 ans. Grosse grosse fete qui m'empeche de bouger de la le lendemain.

Mais deux jours, c'est assez. Je decide de rejoindre Istanbul aussi vite que possible pour ne pas perdre trop des jours qui me restent a rouler.
Retour donc a Tbilissi, achat d'un rechaud et d'une carte couvrant le trajet d'Istanbul a Budapest, derniere nuit confortable... Le lendemain a 11heures, j'embarque pour la Turquie, avec au programme 27 heures de car. Heureusement, j'ai un couchsurfing la-bas, je ne me tracasse pas pour savoir ce que je fais en arrivant. Le voyage aurait pu etre expedie en une ligne si rien de marrant ne s'était passe. Ce ne fut pas le cas. Le premier ¨incident¨ s'est passe a la frontiere. En fait, j´etais persuade que les residents de l'U.E. ne devaient pas avoir de visa. J'arrive donc tout confiant a la douane, mais la on m'annonce la nouvelle : ¨Vous devez acheter un visa. C'est 20 dollars.¨ Malheureusement pour moi, je n'ai plus de dollars. Pas plus que des liras turcs, a ne pas confondre avec les laris georgiens qui faisaient eux aussi cruellement defaut. Le flic me dit alors : ¨ Problem ! No money, no visa, no Turkey !¨ Mais le gars est sympa. Je lui explique mon histoire, et il me propose un deal : il y a un Bancontact dans le premier village a 5 km. Il garde mon passeport et me laisse y aller. Comme il sait que je n'ai pas le choix, il me fait monter dans un bus sans me demander mon avis et me dit : ¨ My name is Shakir, don't forget !¨ Et le bus demarre. Personne de mon car ne sait que je suis parti, et j'avais remarqué aux haltes precedentes que la peu sympathique hotesse recomptait les passagers APRES le depart... La, c'est le stress. Je suis deja passe le dernier a la douane ( Les flics ont tique parce que mon passeport avait l'air bizarre. C'etait normal, un policier ouzbek en avait arrache la page de securite lors d'un controle. Ceci dit, le passeport avait quand meme passe tous les controles precedents...) et j'ai donc deja du retard sur les autres passagers. Je rentre sur le territoire turc sans documents...


Turquie

... Au village, je cours jusqu'au Bancontact, retire, puis me precipite en sens inverse. Mais la, pas de voitures pour me charger jusqu'a la frontiere. J'enleve mes sandales qui me genent et me mets a courir. Pas top pour les articulations qui me le font bien sentir. Heureusement, la 5eme voiture m'embarque. Retour au poste, recherche de Shakir, controle de passeport, achat de visa, nouveau controle de passeport et tampon. J'arrive, le bus part. Ouf !
Pendant la nuit, deux pneus sont creves consecutivement. Pas besoin de le mentionner normalement, sauf que ces problemes vont avoir une incidence sur la suite. En fait, pour reparer, les chauffeurs prendront en tout trois heures. Du coup, alors que nous devions arriver dans la capitale turque vers 14 heures, nous arrivons a 17h, dans une petite gare perdue de la ville. Le temps de decharger les bagages, nous sommes en heure de pointe. Nous sommes au Nord de la ville. Mon contact, lui, habite au Sud. Et Istanbul, c'est grand ! Tres grand ! Kadikoy, le quartier ou je dois me rendre, est a 40 km de la (dixit un flic, un passant et un taximan). Et Istanbul sans plan de la ville, ca veut dire prendre les grands axes. Des autoroutes. Que des autoroutes... Je suis la, sur mon velo, sans bande d'arret d'urgence ou je pourrais rouler en securite ; les voitures me frolent a 30, 20 cm, a 120km/h... Il fait chaud, je n'ai pas de carte, je pete un plomb. Je sors a l'embranchement qui suit et prends un taxi. Kadikoy, c'est 25 euros, et j'aurais du payer la meme chose le lendemain pour aller a la gare pour sortir de la ville. De la ou je me trouve, la gare internationale est a 7,5 euros le trajet. C'est decide, je me barre. Velo sur le toit que j'agrippe tant que je peux, on y est en 15 minutes. Le chauffeur me demande le double du prix, je pense que je lui aurais donne deux fois plus encore s'il me l'avait demande. Tout pour quitter cette ville... Dans la gare, je cherche une agence qui part pour la Bulgarie, j'entre, demande le premier car pour le pays, n'importe ou. Le gars me dit :
- ¨ Now, for Sofia ! ¨
- ¨ Now ? ¨
- ¨ Yes, five minutes ! ¨
Trois heures et deux photos apres etre arrive a Istanbul, j'en etais parti.

Avec quelques jours de recul, voila comment j'explique cette fuite : fatigue du car, trop de gens, trop de voitures, trop de constructions. J'ai ete etouffe par l'immensite de cette ville, j'ai panique. Exactement la meme chose que quand nous sommes arrives a Delhi avec Gael, sauf que la je ne pouvais pas partir. Mais l'operation s'est revelee etre un bon choix. Sofia est une petite capitale sans reelle envergure internationale, sans buildings immenses, sans autoroutes dans le centre, avec de la verdure... Elle me convient beaucoup mieux. Et surtout, ca me permet de rouler a mon aise, avec 900 km a faire en deux semaines, en Europe.

Bulgarie

Arrivee a Sofia a 5:30 AM. Sans plan, sans adresse. Heureusement, le centre est facile a rejoindre. Il ne me reste qu'a trouver un cyber-cafe et degotter une guest house pas chere. Mais a cette heure-la, tout est encore ferme. Dans le centre, je crois une backpacker anglais qui me renseigne un hotel dans la rue. Je passe l'allee au crible, mais rien. Je tourne un peu autour, trouve un cyber qui ouvre exceptionnellement tard ce jourd'hui et decide de prendre mon mal en patience. Sur le banc a cote duquel je me trouve, un gars attend aussi. J'ouvre la conversation, et de fil en aiguille, j'apprends qu'il est chanteur de profession. Il a une vingtaine d'albums a son actif et se revele tres sympa ( http://deyan-nedelchev.com/ - Vous trouverez meme des fans belges dans le guestbook ;-) Il m'aide a trouver une auberge dans laquelle je reste deux jours en attendant que le tendon se refasse. Le 16, je repars. Des fourmis dans les jambes et pas envie de perdre plus de temps. Les nerfs sont encore tendus, mais on verra, je roulerai lentement.
En quittant Sofia, la route est bonne. Macadam, forets, petits villages perdus, j'ai du plaisir a voir encore quelques chevaux tirant des charrettes, et me dire que meme si la Bulgarie est dans l'U.E., l'exotisme fait toujours partie du voyage.
Mais a 80 km de la capitale, le premier souci mecanique important depuis le depart survient. Apres avoir devalle une pente d'une dizaine de kilometres et mange quelques vilaines bosses, le moyeu arriere lache. Le velo freine d'un coup.
Je m'arrete au milieu du village, cherche le probleme en esperant que ca vienne des freins ou du garde-boue. Mais non, ce sont bien les roulements qui ont lache. Lors de la separation, ce n'est pas moi qui ai herite des cles pour reparer ca, et de toute maniere je n'ai pas de roulements de rechange. Apres avoir bien peste contre la poisse qui commence a me coller serieusement, j'apprends que le magasin de velo le plus proche est a 30 km. Il est deja 5h30, j'arriverai trop tard. Je rejoins cependant la ville de Montana le soir-meme, avec la roue serree. Le camping indique sur la carte n'existant plus, je passe la nuit dans une decharge publique apres 120km et un repas plus que frugal. Pas le moral... La nuit est agitee, des jeunes tournent autour de la tente, je dors peu. Le matin, pas de pain, oublie d'en acheter la veille. Dejeuner aux biscuits. Pas le moral...
Mais a 11h 30, mon vélo est réparé. La cassette a été remplacée et je repars apres m'etre acquitte de la modique somme de 8,50euros... Et la route reprend, dans les paysages vallonnés pleins de forets. Ce qui choque ici c'est la torpeur des villages. Ils se font traverser sans que rien n'y bouge. A peine si on croise l'une ou l'autre vieille assise sur un banc qui regarde passer le vent. Le soir, camping a cote d'un musee de campagne perdu au milieu de nulle part, et essai de pates aux sardines... Vivement deconseille... Vers 17h30 le lendemain, je passe la frontiere avec la Roumanie.

Roumanie

Le passage d'un pays a l'autre n'est pas celui auquel je m'attendais. En fait ici, il ný a pas de pont. La traversee du Danube se fait en ferry, ou plutot en ¨bac¨, une plateforme qui fait des aller-retour d'une rive a l'autre, sur laquelle s'alignent deux rangees de voitures et de camions. J'ai eu peur de payer chere ma traversee, mais je ne dois finalement debourser que mes 5 drniers dollars. Tout compte fait, c'est beaucoup plus marrant comme ca...
Si on aime les routes cabossees et les bleds perdus bien authentiques, la Roumanie c'est le paradis. Je le savais avant de venir ici (camp pio 2007), c'est pour ca que j'ai prefere passer par ici que par la Serbie. Des que j'y rentre, je retrouve ce qui m'avait plu lors du premier voyage. Les paysans, les villages aux routes en gravier qui s'etendent autour route principale goudronnee, la chaleur des gens. Je passe la premiere nuit dans le jardin d'une eglise orthodoxe. Le pope sent la vinasse, les deux filles de 15 ans rient sans arret en me regardant, et je sens qu'il sera bientot temps de faire une lessive et de prendre une bonne douche... D'autant plus quand le pope revient avec un essuie...
Le matin, reveil aux cloches vers 7 heures. Eh oui, on est dimanche et ici pas de grasses mat'. Depart vers 9 heures pour rejoindre les Carpates meridionnales, un petit massif montagneux qui promet bien du plaisir !

L'annee passee, j'ai eu l'occasion d'assister a une conference donnee pas l'ex-vice-president d'Attac France sur l'agriculture en Europe. Il avait parle de la Roumanie. Depuis quelques annes, et plus encore depuis sa demande d'adhesion a l'U.E., les espaces cultivables du pays sont rachetes pour une bouchee de pain par de grandes firmes agro-alimentaires francaises, depouillant ainsi les paysans de leurs biens et les transformant en ouvriers agricoles. La moissonneuse-batteuse a donc desormais remplace la faux et la charrette, les champs ont ete regroupes, et les monocultures intensives s'etendent a perte de vue, sillonnees par d'enormes machines metalliques denuees de tout charme. Heureusement pour les voyageurs comme moi, certains irreductibles (probablement regroupes en cooperatives) semblent resister a ce phenomene. Et il n'est pas rare de croiser des champs mal delimites, ou s'alternent les couleurs des tournesols, du mais et du ble.

Cette deuxieme journee roumaine est neanmoins tres sympathique. Champs colores a perte de vue et petites routes sinueuses mal en point sur lesquelles il m'arrive de passer des heures sans voir personne. A la tombee du jour, les paysages se sont étoffés de forets et les Carpates se decoupent de plus en plus clairement dans l'horizon. Je suis accueilli dans une famille d'agriculteurs, qui me permettent de camper dans leur propriete. Aurel, le chef de famille, me raconte en allemand (langue que je n'ai plus pratiquee depuis 9 ans mais qui revient plus facilement que ce que l'on croit... ) qu'il a travaille en Allemagne dans une usine Levi's et que c'est cet argent qui lui a permis d'acheter ses terres et ses deux tracteurs. Il a maintenant une grande propriete, deux jeunes enfant, et le coeur sur la main. Ma tente nést pas encore montee qu'il arrive avec un demi pain et du poulet. Deux semaines que je n'avais plus mange de viande, ca restera un souvenir tellement c'etait bon...
Avant d'aller dormir, toute la famille vient me saluer. de l'autre cote de la cloture, des jeunes se chamaillent.
- ¨Tzigana !¨ - La grand-mere lache le mot brutalement. Sans que j'aie rien dit, Aurel croit necessaire de me rassurer : il a trois chiens dans la propriete, je n'ai rien a craindre de ces gens. Puis il coupe court a la conversation, et tout le monde va dormir. Moi au contraire, j'aimerais vous en toucher un mot, de ces ¨Rom's¨, parce qu'ils font bien partie de ce pays et leur presence se ressent parfois tres fort lorsqu'on traverse un village, meme si ils ne s'y trouvent pas.
J'ai pu parler des Tziganes avec Andrei, un etudiant roumain en sociologie qui m'a raconte leur histoire dans les grandes lignes et explique les problemes vecus ici.
D'apres lui, les Tziganes sont arrives en Roumanie aux X et XIemes siecles.Ils ont directement ete reduits en esclavage par les seigneurs de l'epoque, et ont du travailler dans les mines et les champs. Au XIXeme siecle, le souverain de Roumanie les a tous affranchis. Quelques-uns ont profite de leur connaissance des mines pour sénrichir, d'autres ont commence a travailler comme artisans ou ouvriers agricoles, mais la plupart sén est retournee a la vie nomade d'antan et (sic) ¨certains ont choisi la vie facile de voleurs¨.
Les Roms posent de reels problemes, car ils ont un mode de vie, des coutumes et des traditions completement differents des Roumains. Les filles vont a l'ecole jusque 12-13 ans, age ou elles sont souvent mariees, les garcons jusque 15, ¨pour avoir leur permis de conduire¨. Il n'est pas rare que les filles donnent naissance a un enfant directement apres avoir quitte l'ecole (origine du traffic d'enfants roumains apres l'effondrement du bloc sovietique). En raison de ce manque d´éducation, les Gitans ont la reputation d'etre stupides. Ils n'auraient que 3000 mots de vocabulaire dans leur langue et aucune tradition ecrite...
Comme beaucoup de gens le savent, leurs clans sont tres soudes, et tellement fermes quíls refusent toute aide exterieure. Andrei m'a dit tres clairement : ¨Nous ne savons pas comment resoudre ce probleme. L'Europe nous demande de le faire, mais eux ne veulent rien de nous.¨
Une des consequences visibles de ces incomprehensions entre les deux communautes, ce sont les murs devant les maisons roumaines, par exemple, ou les chiens qui gueulent dans tous les jardins. J'ai moi-meme fait les frais de cette mesentente. J'ai d'abord bien fait rire un groupe de jeunes qui se demandaient comment je pouvais choisir de vivre comme un gitan, puis on a hesite a me servir dans un magasin ou le mot ¨Tzigana¨ a fuse deux fois en me regardant avant que je ne sorte mon argent.

Mais revenons-en a la famille. Avant de repartir, j'ai eu droit a un gros dejeuner et a un bloc de fromage-maison pour le trajet. La route de cette journee est une des plus belles de ce voyage, bien que peut-etre la plus difficile. Au menu, 1700 metres de denivele etalles sur a peine 34 km. Apres 16 km, des travaux bloquent toute circulation, et les 18 bornes qui relient le sommet se font sur une route completement degradee. Grosses pierres, ornieres profondes, pente a 10 %, je ne cesse de me repeter en grimpant sous un soleil de plomb : ¨J'vais crever ! C'est trop de la tuerie !¨ Je m'arrete frequemment pour reprendre mon souffle et admirer les vallees et les paysages qui m'entourent. Je ne croise que 2 Dacia 4x4, trois motos-touristes et 3 jeeps de Polonais en trois heures d'ascension sur cette piste. A 5heures, c'est le sommet. Il y fait bien froid, mais le spectacle des montagnes est grandiose. Je suis a cet instant veritablement seul au monde ! Un moment de joie euphorisant, grandifiant, unique... Pas une voiture, pas une maison, pas un berger a lorizon. Seul.
Sur ma gauche, une etendue d'herbe toute plane occupee par deux gros corbeaux. Plus loin et en face de moi, quelques sommets. A ma droite, c'est la vallee, avec un petit lac et des rochers envahis par la mousse et l'herbe. Si j'avais eu suffisamment de vivres, j'aurais bien dormi la quelques jours, mais ce n'etait pas le cas. Je commence donc la descente calmement, a du 10 a l'heure pour profiter a fond de l'endroit. Puis la route ¨normale¨ reprend. Je ne traine pas car des ours noirs et des loups peuplent les forets que je traverse. Je dois donc rejoindre un endroit habite pour ne pas prendre de risque, ou du moins eviter une nuit dans ce lieu, qui serait cependant plus stressante que dangereuse...
Apres la traversee d'une riviere dont l'eau envahit ma sacoche-bouffe, je tombe sur un camp de scouts roumains... co-dirige par un Belge.
¨Domnul Luc¨ (¨Monsieur Luc¨ en roumain, alias Luc Francois), comme il aime se faire appeler ici, est representant pour la Roumanie et la Moldavie de l'Union Francophone des Belges a l'Etranger. Fier de ses 18 ans d'armee et du role qu'il joue ici, il tente d'aider a restructurer le mouvement scout roumain. Il me rappelle que nous sommes le 21 juillet en me souhaitant une bonne fete et en m'offrant un drapeau belge.
Sympa, petit gaillard tout sec, dents en moins et bon accent ardennais, il est en uniforme scout impeccable avec un couteau militaire a la ceinture. Il me presente au grand chef qui me propose de planter ma tente dans le camp. Soiree autour du feu avec les plus ages, tres sympa, tellement que je les accompagne le lendemain pour aller boire un verre a la ¨cabana¨ du coin. Depart sur le tard, avec un nouveau col a 1664 m puis une longue, tres longue descente de 64 km pour arriver a Alba Iulia, une ville ou personne ne voudra m'heberger (pour une fois...) et ou je dors dans un fosse en bord de route.
Deux jours plus tard, rencontre avec Philippe, un Francais de Valenciennes qui barbote au bord d'une riviere avec ses marmots et son epouse roumaine. Aprem´ en leur compagnie avec leurs amis, grosse bouffe... Le lendemain, je passe en Hongrie.

Hongrie

Le passage de frontiere est une nouvelle fois revelateur. C'est le premier des 12 pays ou on ne me souhaite pas la bienvenue. Les gens ne repondent pas a mes questions quand je demande mon chemin, on m'ignore, on me nie comme c'est pas permis... La Hongrie est un pays de cultures. Des champs a perte de vue. Des lignes droites immenses, un relief absent, des routes sans bosses, des petites villes espacees d'une trentaine de kilometres a chaque fois, et pas de villages entre. Les maisons sont cachees par de hautes barricades, murets, barruieres avec fils barbeles... Je sens que je ne suis pas le bienvenu et c'est penible de rouler a velo dans ce decors... Quand je decouvre ca, je sais que j'ai deux jours d'avance sur le programme, et je rale a mort de ne pas avoir profite de deux jours de plus en Roumanie. Heureusement, les deux nuits que j'ai passees se sont faites chez l'habitant, finalement tres sympa quand on tombe sur le bon. Un jeune couple d'abord m'a accueilli et fait gouter 2-3 specialites du coin, puis une dame vivant avec son pere, 6 chiens et 50 poules, dindes et galinacees de toutes sortes qui m'ont tenu compagnie pendant la nuit...
Je suis maintenant a Budapest pour attendre Pauline qui arrive dans moins de trois jours (en comptant en heures ;-)... Nouveau depart pour nous le 2 aout sur les routes hongroises, puis on ne sait pas encore quoi...

Quoi qu'il en soit, j'espere que ce texte n'a pas ete trop long, et je tiens a faire un petit clin d'oeil aux historiens avec qui j'ai passe une semaine de fou ici il y a 2 ou 3 ans...

Grosses baises a tous,
et a bientot pour de nouvelles aventures !

Adri

Vrac : Georgie - Roumanie